Dans « Histoires du mur invisible », la conteuse et la chanteuse questionnent avec intelligence le thème des migrations à travers le regard de deux enfants.
Pour célébrer ses vingt ans d’existence, le Festival Jazz’n’Klezmer a eu la bonne idée de programmer, lors de sa journée de clôture, dimanche 27 novembre à l’Espace Rachi-Guy de Rothschild (Centre d’art et de culture), à Paris, une création originale à deux voix proposée par la conteuse et écrivaine Muriel Bloch et la musicienne et auteure-compositrice-interprète Yael Miller. Réunies pour la première fois sur scène, les deux artistes ont embarqué le public dans un voyage à travers différents pays et continents sur les traces des communautés juives installées de par le monde.
Comme ce spectacle, intitulé Histoires du mur invisible, s’adresse en premier lieu au jeune public (à partir de 7 ans), il s’articule autour des aventures de deux enfants, une fille et un garçon, Lila et Nat, qui partent à la recherche d’oreilles dans la rue des murmures, un endroit interdit par les adultes donc forcément très attirant. Ils vont y rencontrer différents personnages qui sont autant de portes vers les nombreux pays où les juifs ont immigré à travers les siècles au fil des exils successifs, en Israël et en Europe (Espagne, Portugal, Pologne, Russie, entre autres), bien sûr, mais aussi en Asie (Inde et Chine), en Amérique (Brésil et Cuba) et en Australie. L’occasion de rappeler en filigrane l’accueil très contrasté réservé à ces populations juives dans ces pays, allant de la persécution la plus intolérante à l’acceptation tolérante et bienveillante, notamment en Inde.
Complicité et transmission
A travers cette évocation de la diaspora juive, Muriel Bloch et Yael Miller élargissent leur réflexion au thème des migrations en général, et posent des questions plus universelles sur ce que c’est d’être un migrant, de vivre dans un pays qui n’est pas le sien, de parler une autre langue, etc. Et elles le font avec beaucoup d’intelligence et de subtilité en utilisant un matériau traditionnel (chants, musiques et histoires d’autrefois) qu’elles façonnent et adaptent aux oreilles du public d’aujourd’hui. Leur spectacle n’a ainsi rien de passéiste et ne baigne pas dans la nostalgie des temps anciens, bien, au contraire, grâce à leurs talents respectifs (celui de raconter des histoires pour Muriel Bloch et celui de composer mélodies et chansons pour Yael Miller), il interroge l’époque actuelle, et est même résolument tourné vers l’avenir.
Comme souvent dans ce type de création en duo, la réussite de ces Histoires du mur invisible tient beaucoup à la complicité évidente entre les deux artistes, notamment à leur capacité à se partager réellement l’espace scénique et les disciplines : la conteuse Muriel Bloch ne se contente pas de raconter des histoires mais rythme parfois la narration avec différentes percussions ; la chanteuse Yael Miller n’est pas réduite au seul accompagnement musical du spectacle, elle prend la parole à plusieurs reprises pour raconter aux côtés de Muriel Bloch. Malgré leur différence de générations, elles ont une culture commune et un même goût pour la transmission. Elles savent mêler habilement récits de vie, contes populaires, chansons et musiques (à la fois inspirées d’airs traditionnels et créées pour l’occasion) pour donner vie aux questions que tous les enfants, et également les adultes, se posent sur leurs origines, leurs secrets de famille. A l’image de Lila et Nat, qui, grâce à leurs rencontres dans cette rue des murmures, auront obtenu quelques réponses… et appris à écouter les histoires des autres, d’où qu’ils viennent, avec leurs oreilles, mais aussi (et surtout) avec leur cœur.
Histoires du mur invisible, de et avec Muriel Bloch (écriture, voix, récits et percussions) et Yael Miller (écriture, voix, récits, synthétiseur et percussion indienne). Avec la collaboration de la plasticienne Isabelle Raquin. Durée : 1 heure. A partir de 7 ans.
Prochaines représentations : dimanche 19 février à l’Ecuje (Espace culturel et universitaire juif d’Europe), 119, rue La Fayette, Paris 10e et dimanche 12 mars à Bruxelles.