Blog « Les voies du conte » Récit

S’évader en histoires par les disques vinyles…

J’ai rencontré Rémi Ansel Salas, il y a de nombreuses années, lors d’une présentation d’un de ses spectacles : « Le foulard de Simini », dans un centre social de la ville de Vienne (38). Depuis j’ai suivi son cheminement entre contes, récits, poésie, créations sonores, collectes, vidéos poétiques…

Le tout contribue à la singularité de sa dernière création « La Sieste au Bois Dormant ». Il donne sens à tout ce qu’il a exploré, appréhendé, avec passion et ténacité. Enfant, sensible et écorché, Rémi Ansel Salas se propose de nous raconter comment il a été traversé par les histoires qui l’ont fait grandir, mais qui lui ont donné la part belle au développement de son imaginaire dans son quotidien d’enfant jusqu’à aujourd’hui. Cette découverte ne s’est pas faite par l’intermédiaire de ses parents ou ses grands-parents, mais par celui des disques vinyles qui entraient parcimonieusement à la maison et qu’il fallait considérablement dorloter.

Dans ce spectacle, il se met en scène avec comme seul accompagnateur un dispositif de MAO (Musique Assistée par Ordinateur) de platines vinyles et sa collection de disques de contes pour enfants. Tour à tour, entre plages sonores et le déroulé de son enfance, l’école, les copains, la famille, il nous plonge dans les années 80 et sa jubilation de pouvoir librement faire de chaque personne qu’il côtoie une scène d’un conte merveilleux.

Le disque est sacré pour lui, en tant qu’objet et contenu qui ne mourront jamais. Même s’il ne peut l’écouter, il l’emmène dans tous ses déplacements et simplement en regardant la pochette entend l’histoire. C’est cette fascination qui nous fascine également, surtout quand on ne connaît pas ces disques où résonne la voix de comédiennes, de comédiens qui sont dans une dramaturgie plutôt flamboyante et démesurée avec des musiques de grands orchestres.

Pour des enfants d’aujourd’hui qui ne connaissent pas ces objets que sont les 45 tours et les 33 tours, leurs grésillements, leur forme, leur matière, Rémi prend le temps de les présenter par son récit et surtout de faire sentir leur caractère précieux ; quand il les a ressorti de leur pochette, j’imagine, ce moment a eu le goût des retrouvailles entre un avant et un après.

Rémi s’en sert pour façonner son spectacle, le ponctuer de ses peurs, de ses amours, de ses digressions, mais aussi, pour poser et se poser des questions philosophiques et parfois plonger dans des moments de poésie.

Passant de son dispositif sonore à des scènes débridées comme pour sa première boom par exemple, où il danse sous une boule à facettes sur la chanson de Cindy Lauper « Girls Just Want To Have Fun », un hymne féministe proposé par sa sœur aînée, il savoure les années 80. Même si la scène est un peu longue, on sent qu’il revit un moment de fête.

Le public rit beaucoup. Ce jour-là, sa cendrillon arrivera enfin, après avoir été malmenée par deux jumelles, remise en beauté par la coiffeuse du coin, qui lui permet de retrouver ses baskets.

La scène au Flunch avec sa tante est tout aussi désopilante, l’enfant mange sans compter pendant que le destin de celle-ci bascule comme pour la Belle au bois dormant, très en colère contre son petit ami qui part avec une autre. Quand elle lui demande d’aller chercher une pomme, il commence à comprendre et décide qu’il n’y a pas de pommes dans ce restaurant, mais que les évènements peuvent conduire des personnes à devenir méchantes.

Et puis, il y a Barbe Bleue. Une demande de la maîtresse d’aller chercher un livre, permet aux trois complices enfants, d’ouvrir la porte interdite de la salle d’écoute de disques, de s’amuser à accélérer et ralentir les voix du disque,  ce qui amplifie les possibilités de vie sur un disque et qui donne une ampleur à notre impossible vie ici-bas. Alors se déchaînent les voix de Barbe Bleue et d’une princesse avec des accents dramatiques, tellement d’antan : Rémi s’amuse et entre lumière, sons et voix qu’il interprète en voix off, crée un moment effrayant.

Dans une écriture simple, le balancement s’opère avec beaucoup d’humour, entre la vie réelle de l’enfant et sa capacité à faire de chacun des personnages qui l’entourent, un personnage de conte. Et la fiction devient réalité. Il rêve, il s’échappe, il grandit.

L’ogre rencontré dans un hôpital est peut-être encore à ses trousses, mais il a chaussé ses pantoufles et lui donne les bottes de sept lieux pour que « la Sieste au Bois Dormant » tourne beaucoup et que Rémi Ansel Salas trouve encore plus de fluidité entre ses manipulations techniques et son récit pour offrir à lui et à son public, un moment totalement réjouissant.

Conception et interprétation Rémi Ansel Salas / Lumières Lionel Meyer / Régie son Claude Kerouault / Regard extérieur Loïc Varraut / Oreille extérieure Flore / Coproduction Centre des Arts du Récit en Isère / Avec le Soutien de la DRAC AURA, le Département de l’Isère, le Théâtre de Givors (69), le Théâtre Ste Marie d’en Bas à Grenoble (38), l’espace culturel René Proby à St Martin d’Hères (38), la Médiathèque Départementale de la Loire (42)

Vidéo : https://cie-candide.com/spectacles/la-sieste-au-bois-dormant/

Ecoutez également sur le site de Rémi Ansel Salas – Compagnie Candide : Dimanches – Le podcast https://cie-candide.com/creations-sonores/dimanches-le-podcast/

Martine Carpentier a dirigé le Centre des Arts du récit de 2014 à 2020.

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