Blog « Les voies du conte » Critique

A Paris, l’association Calliope donne la parole à ses voisines du quartier des Epinettes, véritables héroïnes du quotidien

Le documentaire conté « Merveilleuses voisines » a été projeté, samedi 1er juillet, pour lancer la quatrième édition des Contes d’été aux Epinettes, qui dure jusqu’au 26 juillet.

Séance de projection du documentaire conté « Merveilleuses voisines », samedi 1er juillet 2023, à la MVAC de Paris 17e | ASSOCIATION CALLIOPE/FACEBOOK
Séance de projection du documentaire conté « Merveilleuses voisines », samedi 1er juillet 2023, à la MVAC de Paris 17e | ASSOCIATION CALLIOPE/FACEBOOK

Une fois n’est pas coutume : pour la quatrième édition de ses Contes d’été aux Epinettes, l’association Calliope, qui œuvre pour la promotion des arts du récit, a choisi, en guise d’événement inaugural, samedi 1er juillet, la projection d’un documentaire conté. Intitulé Merveilleuses voisines, ce montage de témoignages donne la parole à des femmes de tous les âges qui ont pour point commun d’habiter dans le même quartier, le 17e arrondissement, et plus précisément le QPV (quartier de la politique de la ville) des Epinettes. C’est dans ce même secteur que l’association Calliope a posé ses bagages en 2019 et installé son centre de ressources et de documentation consacré à la littérature orale, Le Litt’oral, au 4 rue Louis Loucheur. Dès leur installation dans ce lieu, deux des quatre cofondatrices de Calliope, Isabelle Genlis et Isabelle Sauvage, ont commencé à nouer des liens avec les autres associations de quartier, notamment l’association de locataires Chez Nous, l’association d’habitants CQFD, l’association Le Pont (accompagnement et aide à la réinsertion de personnes vivant dans des conditions de grande précarité), l’Atelier des Epinettes, spécialisé dans les cours d’arts plastiques. Elles ont également fréquenté assidûment la Maison de la vie associative et citoyenne (MVAC) du 17e.

De ces rencontres et conversations impromptues autour d’un repas partagé ou d’un verre de thé est né le désir chez les deux Isabelle d’enregistrer face caméra les récits de ces femmes engagées dans un combat au jour le jour, contre la précarité, l’exclusion, les violences conjugales, les discriminations en tous genres… Résultat : des heures et des heures de témoignages dans lesquels ces héroïnes du quotidien se livrent en toute modestie et avec beaucoup de franchise sur leurs parcours de vie. Il a fallu beaucoup de talent et de sens du montage à Guillaume Louis (compagnie Le Chardon débonnaire) pour parvenir, à partir de ces rushes, à réaliser un documentaire d’une cinquantaine de minutes qui sera diffusé à terme sur YouTube. Il a été projeté pour la première fois, samedi 1er juillet dans l’après-midi, à l’occasion de l’inauguration de la saison 4 des Contes d’été aux Epinettes, en présence de certaines de ces protagonistes.

Parcours de vie passionnants

Un moment particulièrement émouvant tant les témoignages des unes et des autres sont intenses et remplis d’humanité. Qu’elles soient jeunes ou plus âgées, issues de milieux sociaux plus ou moins favorisés, militantes associatives, footballeuses, étudiantes, assistantes sociales, puéricultrices, gardiennes d’immeubles, retraitées, coachs, toutes ces femmes partagent une même force de caractère, une même énergie farouche de se battre contre les préjugés, le patriarcat, les interdits. La structure originale de ce documentaire les répartit en plusieurs catégories inspirées de la typologie des contes : les vaillantes, les courageuses, les patientes, les guerrières, les aventurières, les généreuses, les curieuses, les insoumises, etc. On aurait envie de les citer toutes ici, une par une, tant leurs parcours de vie sont passionnants (et passionnés) et redonnent foi en la nature humaine. Mais cela prendrait trop de place, hélas.

Mentionnons au moins Lourdes, la gardienne d’immeubles devenue adjointe au maire du 17e chargée de la lutte contre la grande exclusion et la précarité et porte-parole du réseau national des gardiens et gardiennes de France ; Valérie, l’artiste-peintre qui, avec son Atelier des Epinettes, propose des cours d’arts plastiques aux habitants du quartier, petits et grands ; Nathalie, la professeure, qui, avec l’association Chez Nous, se bat pour que la cité (elle tient à ce terme plutôt qu’à celui de « résidence » car il évoque les citoyens, dans la Grèce antique, à savoir des gens qui vivent ensemble avec les mêmes valeurs) où elle habite au 7, rue du général Henrys reste un lieu où il fait bon vivre, avec son parc central aux arbres plantés dans les années 1950 et ses nombreux oiseaux ; Nora, gestionnaire locative, élevée dans une famille d’origine marocaine par un père pour qui l’entraide n’était pas un vain mot, dont le seul souvenir lui fait monter les larmes aux yeux ; Loren, étudiante en stage au centre social Pouchet, féministe convaincue et farouche militante pour les droits des femmes, qui ne mâche pas ses propos.

En écho à ce documentaire conté, Isabelle Genlis et Isabelle Sauvage vont également présenter, lors des Contes d’été aux Epinettes, un spectacle intitulé Merveilleuses héroïnes mêlant contes traditionnels et récits de vie tirés des témoignages recueillis lors du collectage effectué auprès des femmes du quartier pour les besoins du documentaire. Elles seront accompagnées en musique par Guillaume Louis, qui manie aussi bien les techniques de montage vidéo que différents instruments. Deux représentations de ce spectacle sont prévues, l’une, mercredi 19 juillet à 20 heures dans le cadre des Contes aux fenêtres, en plein cœur de la cité située au 7, rue du général Henrys, et l’autre, jeudi 20 juillet à 14 h 30 dans le cadre des Contes à domicile, à la villa Saint-Ange, toujours dans le 17e. L’occasion de prolonger l’aventure avec toutes ces héroïnes du quotidien.

Contes d’été aux Epinettes, 4e édition, jusqu’au 26 juillet. Toute la programmation est à feuilleter en ligne sur Calameo.

Journaliste au Monde.fr depuis 1998, j’ai toujours éprouvé une admiration sans bornes pour ces artistes de la parole que sont les conteurs et conteuses. Après avoir travaillé pendant plusieurs années comme bénévole dans l’organisation de festivals de contes et de théâtre de rue, je me suis lancée en octobre 2013 dans l’aventure d’un blog consacré aux arts du récit, L’Arbre aux contes, qui a fermé définitivement en octobre 2021. Je participe désormais au blog collectif de « La Grande Oreille ».

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