Blog « Les voies du conte » Critique

Au Soleil de la Butte, un florilège d’histoires inspirées de faits divers en guise de soirée de clôture

Huit conteuses et conteurs du collectif Histoires & Cie, avec un invité venu de Belgique, se sont partagé la scène pour un feu d’artifice de paroles collégial et original.

L’affiche du spectacle collégial d’Histoires & Cie, « Fées d'hiver en été », sur la vitrine d’Au Soleil de la Butte, le 26 juin 2023 | PATRICK CRESPEL/FACEBOOK
L’affiche du spectacle collégial d’Histoires & Cie, « Fées d’hiver en été », sur la vitrine d’Au Soleil de la Butte, le 26 juin 2023 | PATRICK CRESPEL/FACEBOOK

Après la BAM ! (Malakoff) et Le Rigoletto (Paris 19e), j’ai achevé ma tourné des soirées de clôture de saison des lieux qui content en région parisienne par un spectacle collégial proposé par le collectif Histoires & Cie au café-restaurant Au Soleil de la Butte, dans le 18e, lundi 26 juin. Contrairement aux deux précédentes soirées qui avaient programmé d’abord une scène ouverte suivie d’un spectacle présenté par un conteur ou une conteuse (François Vincent et Céline Ripoll), la parole a été entièrement collégiale et partagée entre neuf conteurs et conteuses, pour la plupart dits « amateurs » (sans aucune connotation péjorative, uniquement au sens où le conte n’est pas leur principale activité professionnelle) : Catherine Bajot, Patrick Crespel, Chantal Denis, Patrick Garcia, Hélène Loup (conteuse professionnelle), Emilio Navarro Dominguez (le Belge de l’étape, venu de Bruxelles), Cécile Vigouroux, Lynn Vivier-Foucart et Ariel Thiébaut.

Pour l’occasion, ces derniers avaient tous fait le voyage jusqu’à Chiny, la célèbre cité des contes, en Belgique, pour suivre un stage avec le conteur bruxellois Julien Staudt. En grand amateur de faits divers qu’il aime à utiliser dans ses spectacles, notamment C’est la crise! Faits divers et chansons des années trente (créé en 2014), il a fait travailler ses stagiaires autour des faits divers du Paris du XIXe siècle, et plus particulièrement ceux de la rue Muller où se trouve la salle d’Au Soleil de la Butte. D’où l’intitulé en forme de jeu de mots de cette soirée-spectacle collégiale, Fées d’hiver en été. Ce stage n’a duré que quelques jours et ces artistes n’ont eu que peu de temps pour choisir les faits divers qu’ils souhaitaient raconter sur scène et pour répéter ensemble.

Entre fiction et réalité

Mais le résultat présenté lors de cette soirée de clôture est tout à fait honorable et le public a semblé se régaler de ce florilège d’histoires placées sous le signe de la mort, de l’insolite et de l’humour noir. Après une mise en bouche proposée par Chantal Denis et sa marionnette baptisée pour l’occasion Fée d’hiver, les conteurs et conteuses se sont succédé, en solo ou en duo, pour un feu d’artifice de récits en tous genres entre fiction et réalité. Ils ont mélangé allègrement faits divers, anecdotes réelles, légendes urbaines, contes populaires. Le spectateur un peu attentif et connaisseur a pu y croiser pêle-mêle : les Editions Baleine, autrefois installées au 11, rue Muller, rendues célèbres par leur collection « Le Poulpe » avec des titres inoubliables comme La petite écuyère a cafté, Nazis dans le métro, Les Gens bons bâillonnés, E pericoloso for Jersey, etc. ; l’un des contes « retranchés » des frères Grimm, intitulé Comment des enfants ont joué au boucher ou Comment des enfants jouèrent ensemble à s’égorger ; l’histoire vraie de Sophie Foucault, surnommée la « femme-culotte », qui, dans les années 1830, s’est habillée en homme pour pouvoir travailler comme typographe dans une imprimerie et qui, avec l’argent gagné, a construit une cité avec des logements pour les chiffonniers de Paris, ce qui lui a valu un autre surnom, la « mère des chiffonniers ».

Malgré la dimension tragique de certaines histoires, où la mort rôde toujours au coin de la rue (Muller, bien sûr), la tonalité générale du spectacle est plutôt à la bonne humeur et le public rit souvent à des anecdotes croustillantes ou à des situations loufoques et rocambolesques. Et le petit ingrédient qui apporte son originalité à cette représentation collective : la sincérité et la conviction de ses interprètes qui ne se prennent jamais trop au sérieux mais dont le plaisir d’être ensemble sur scène est évident et communicatif.

Journaliste au Monde.fr depuis 1998, j’ai toujours éprouvé une admiration sans bornes pour ces artistes de la parole que sont les conteurs et conteuses. Après avoir travaillé pendant plusieurs années comme bénévole dans l’organisation de festivals de contes et de théâtre de rue, je me suis lancée en octobre 2013 dans l’aventure d’un blog consacré aux arts du récit, L’Arbre aux contes, qui a fermé définitivement en octobre 2021. Je participe désormais au blog collectif de « La Grande Oreille ».

2 Commentaires

  1. Merci de ce bel article et de votre intérêt toujours aussi vif pour le conte.
    Une petite précision : au stage, il y avait un mélange de conteurs amateurs et professionnels. Les 4 conteurs belges dont deux femmes et deux hommes, et une conteuse française.
    Au Soleil de la Butte, 3 des professionnels étaient absents, mais restaient un belge, Emilio Navarro et une française, Hélène Loup. Il est, pour moi, très intéressant de voir que cette différence administrative ne pose pas problème. Ils ne font pas de différence, ne s’occupent que de bien conter, de leur plaisir partagé entre eux et avec le public, de continuer à progresser.
    Amicalement à vous
    Hélène Loup

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