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La compagnie Gakokoé met L’Accent sur le conte

Avec la troupe créée en janvier 1998 à Montbéliard (Doubs), Marcel Djondo et Gaëtan Noussouglo privilégient un théâtre de proximité.

Marcel Djondo et Gaëtan Noussouglo dans la salle de L’Accent à Montbéliard (Doubs), le 16 novembre 2021 | SOPHIE DOUGNAC/L’EST RÉPUBLICAIN

« Le conteur naît dans l’oreille qui l’écoute. » Cette expression prend tout son sens quand on entre à L’Accent, le lieu dirigé par Marcel Djondo et Gaëtan Noussouglo de la compagnie Gakokoé, fondée en janvier 1998. Les compères ont pris le temps qu’il fallait pour se rapprocher du Pays de Montbéliard (Doubs), s’y implanter et construire des moments d’art collectif, tout en mettant en place parallèlement, à partir de 2006, la Fête mondiale du conte en région Bourgogne-Franche-Comté.

Combien de scènes peuvent se targuer d’avoir su faire un grand écart comparable à celui de Gakokoé entre implantation locale et sources d’inspiration venues des quatre coins du globe ? Marcel Djondo l’affirme fièrement : L’Accent est surtout un théâtre de proximité, dont le conte est la clef. Avec Gaëtan Noussouglo, ils sont particulièrement attachés à leur territoire, à savoir le monde entier. En témoigne le projet des Contes africains de Franche-Comté qui synthétise cette volonté de réunir les êtres humains par les histoires au-delà des frontières. C’est précisément ce qui vous frappe d’emblée quand vous entrez dans la salle de L’Accent à Montbéliard, cette proximité entre le public et les artistes, à croire que l’on ne vient pas assister à une représentation de conte mais à une gigantesque réunion de famille.

Un art de la relation

Si les deux hommes ont appris à poser leur corps et leur voix grâce au théâtre, ils sont avant tout les héritiers d’une tradition orale. Marcel Djondo conte avec une force sourde, une incarnation de chaque instant, il nous emporte dans l’histoire qu’on le veuille ou non car lui-même se laisse emporter par la puissance des mots. Il n’est pas là pour endormir les plus petits et rythme ses récits comme des morceaux d’opéra. Pour lui, le conte doit avant tout être captivant. Il s’agit essentiellement d’un art organique, Marcel Djondo l’a bien compris, il sait passer d’un état à un autre avec une fluidité déconcertante au gré des envies du public. Il sait se montrer menaçant, faire parler sa présence, tout comme s’effacer derrière lui-même pour que les gens puissent voir l’histoire. On sera suspendu à ses yeux exorbités quand il conte la mort, pour juste après le voir prendre un air facétieux en évoquant une farce enfantine. Il aime composer avec l’instant, il raconte en souriant avoir « inventer des centaines d’histoires pour ses enfants sans jamais les avoir notées », l’éphémère a sa beauté.

Pour sa part, Gaëtan Noussouglo est un conteur qui sait prendre son temps sans jamais ennuyer son public. Mû par une incroyable tendresse, il conte avec une sincérité qui brise les distances entre les gens. Il préfère souvent descendre de la scène pour aller s’adresser directement aux spectateurs plutôt que de chercher une place sous les projecteurs. Sa voix a quelque chose du feu de cheminée : elle rassemble l’auditoire pour lui procurer chaleur et lumière. Et si le conte est un art de la relation, pour Gaëtan Noussouglo, c’est un art de la relation directe. D’après lui, l’interactivité est au cœur du récit, c’est par elle que les oreilles s’ouvrent. Voilà pourquoi il aime jouer avec son public : il l’interroge, le fait répéter, chanter, lui demande son avis sans jamais le juger. Gaëtan joue, aime jouer, et l’on aime jouer avec lui.

Et maintenant, quels sont les projets de Gakokoé pour l’année à venir ? L’Accent garde plus que jamais ses portes ouvertes malgré la pandémie. Après avoir mis en place en janvier dans l’urgence le festival Ça joue ça l’fait, en pleine nouvelle vague de Covid-19, pour permettre aux gens de se rassembler (prochaines dates, les samedis 19 mars et 7 mai), Marcel Djondo et Gaëtan Noussouglo continuent sur la route du conte toujours secondés par le comédien Christian Waldner. En attendant la prochaine édition de la Fête mondiale du conte en novembre, d’autres histoires doivent naître dont Les Contes barbares accompagnés par le musicien Denis Trutt… et Marcel Djondo rêve toujours de son futur Shakespeare.

Après s'être formé à l'art du conte, Julian Delgrange, dit Draglen, crée en 2020 l'association Les Conteurs de Thot pour offrir un espace d'échange aux jeunes plumes voulant se lancer dans les arts de l'imaginaire.

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